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Crédit photo © Marcel HARTMANN

MALIK DJOUDI

Par aSk

Le 17 janvier dernier MALIK DJOUDI avait remué l’Escapade, et ce malgré une configuration assise, avec DOMITIE en formule trio pour une ouverture de bal top raccord (cf. son portrait dans le ILLICO!#31 et l’interview par ici).

Loin de se décourager, les fans de la première heure ont en effet investi le gradin de haut en bas. Une piste de danse improvisée et étrangement pentue pour un son pointu. Mais point question de dents de scie ici, plutôt de hauts-plateaux et de falaises. La bande-son d’une vue aussi imprenable que vertigineuse. Finalement, le décor escarpé était de mise.

En seulement deux albums, le Poitevin quadragénaire s’est imposé sur la scène hexagonale et a su s’exporter brillamment. Un succès sur le tard mais au long cours qui n’est pas sans rappeler le parcours et la teneur des gars d’Aline (ex-Young Michelin et Dondolo, et à quand leur troisième opus, après le parfait La Vie électrique et les dérapages incontrôlés et si jouissifs de leur leader, Romain Guerret, aka Donald Pierre…). MALIK DJOUDI est en effet loin d’être un petit nouveau. Le ranger dans la catégorie «révélation» est donc un piège (cf. sa nomination cette année aux Victoires de la Musique).

Un temps compositeur à l’image et pour d’autres, de collaborations côté spectacle vivant (Pierre Rigal et sa Cie Dernière Minute) en rôle de chanteur dans des groupes de rock «en anglais» (Moon Pallas, Kim Tim), MALIK DJOUDI a suivi plusieurs panneaux à la fois sur l’échangeur pour se cerner lui-même et resserrer l’étau sur ses joujoux-joyau de home studio. La plume en français déliée après un certain voyage initiatique, l’écrin était enfin trouvé au retour. En live, Malik et son acolyte Greg évoluent sur scène à la manière de cosmonautes, provoquant en face bon nombre de chorégraphies en apesanteur. Le tout ratifié par un jeu de lumières hypnotique, effet 2001, Odyssée de l’Espace garanti. Nous voilà donc embarqués dans leur astronef aussi chaleureux que polaire, aussi désertique que dense, combinant mille paysages virtuels pour notre rétine jamais assez rassérénée (on vous rassure, ils ont beau venir de Poitiers, non, leur show n’est pas la dernière attraction du Futuroscope…).

Ce second opus Tempérament pourrait être qualifié à la va-vite d’objet moderne identifié, dans l’air du temps, tant par le fond que par la forme. Il n’en prend pas moins des allures de voyage astral, telle une virée sans âge et sans passé. Un pur précipité de futur pour qui voudrait prendre la fuite ou juste recommencer de zéro, se réinventer, renaître. Malik le malicieux ressemblerait alors presque au King Elvis, à moins de lui coller un charisme cosmopolite à la Jas Mann («Spaceman», remember), l’humilité en sus. Un raccourci certes facile et vite balayé par ses pas de ballerine derrière le synthé, nettement plus intéressants (ainsi que ses échanges avec le public). Les centres de gravité sont incités à se déplacer, tandis que sa grâce féline invite à explorer avec lui des contrées amies et familièrement étranges. Un set en forme de grand huit incandescent aux pulsations aussi tenaces que nécessaires. Le bonhomme dévoile sans filtre son tempérament tout en clairs-obscurs, avec en filigrane des questions intimes en suspens (et quid du père en milieu tempéré), quand l’on voudrait ne voir que l’«Amant», alter ego exotique s’il en est… Préférer garder le tempo sur les rêves, plutôt que sur des mensonges qui donnent mal aux tempes.

Enfin, mentionnons sa collaboration avec Etienne Daho (leur duo sur le titre «A Tes Côtés»), avec en prime un clip tourné dans un lieu à l’architecture étrangement appropriée et dont les propriétés acoustiques étonnantes bouleversent les repères auditifs et sensoriels : la salle semi-anéchoïque du CTTM (Centre de Transfert de Technologies du Mans). On ne peut que se dire que cette forme d’adoubement n’a rien d’anodin. Gageons que la pop synthétique abyssale de MALIK DJOUDI ne sera pas une lubie et s’incrustera toujours un peu plus dans nos pavillons auriculaires tantôt tourmentés, tantôt apaisés.