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IDIOT SAINT CRAZY ORCHESTRA © Julien Brygo

IDIOT SAINT CRAZY ORCHESTRA

Par aSk

Suite à notre échange fleuve d’avec Valentin Carette (cf. interview en ligne + ILLICO!#58), on a rouvert les vannes avec lui à l’occasion de la prochaine date d’IDIOT SAINT CRAZY ORCHESTRA en compagnie d’Acid Mothers Temple & The Melting Paraiso U.F.O., fondé par le légendaire guitariste Kawabata Makoto.

Où en es-tu avec IDIOT SAINT CRAZY ORCHESTRA vs toi solo ? Est-ce que ces deux orientations sont toujours aussi poreuses, ou bien le groupe s’affirme-t-il davantage ? 
Valentin Carette : Plus ça avance et plus la « frontière » est claire. Mais rien n’est jamais figé. ISCO tend vers une musique de plus en plus énergique et s’est resserré vers une musique plus immédiate, dirigée vers la scène. Alors que mon projet solo est de plus en plus intime et intimiste. Même si j’ai mis beaucoup de mon intériorité dans ISCO, il s’agit d’un vrai groupe où le sens de la musique est partagé en trio. Les points communs restent l’ouverture à différents styles musicaux et un certain goût pour l’étrange et la recherche sonore. 

Iscommunication est paru en novembre 2023. Y a-t-il eu des changements majeurs par rapport aux albums précédents (processus, vos rôles respectifs, voire instrumentarium) ?
Pour le précédent album The Sea Of Paradise, il s’agissait de morceaux préexistants au format groupe, et je n’avais pas envie d’en modifier la structure mais d’apporter la vie que seul un groupe qui fait vibrer des fréquences dans une pièce arrive à donner. Pour Iscommunication, je suis arrivé avec des idées ouvertes, des thèmes, des riffs, des envies, en ayant en tête de ne pas clôturer le sens pour qu’Antonin et Antoine puissent avoir de la place. Le processus de finalisation de l’album et l’enregistrement ont été un vrai plaisir (ce qui est assez rare pour le souligner), et en live je prends parfois plus de plaisir à écouter Antoine et Antonin ou à faire quelques glitchs tordus pendant un solo de batterie qu’à jouer mes parties qui restent harassantes (synthé au pied, changement d’effet, traits musicaux non guitaristiques parfois…). Nous avons voulu, avec ce disque, retrouver le power trio du premier E.P. On n’a pas pu s’empêcher d’augmenter le groupe d’un quatrième musicien virtuel. Antoine joue des parties de batterie et de synthé en simultané, et moi aussi, sur certains titres. Cela nous demande une concentration énorme, même si on s’est enfin libérés des « bandes sonores clickées » qui rendaient parfois nos sets un peu froids et distants. Il y a, sur le disque, peu de choses qu’on ne peut faire en live. C’était l’idée.

Cet album a-t-il été enregistré en prise live, du moins pour certaines parties ?
Pas vraiment. Cela dit, Antoine (batterie) a fait toutes ses prises, quasiment, en une prise… Quand on écoute un morceau comme «Foolish» qui fait une dizaine de minutes avec quinze changements de tempos ou de signatures rythmiques plus un solo, je dis chapeau. Antonin et moi, on a miséré un peu plus mais on est allés assez vite pour tout boucler. Et au mixage, j’ai essayé de bien exploiter les micros « Room » pour donner un côté vivant.

Pas de voix, ni de sample ici. Pourquoi ce choix ?
En effet, pour les raisons évoquées plus haut. Pour pouvoir rejouer les morceaux en live tels quels, sans clicks, et en prenant un plaisir plus immédiat.

Y avait-il certains thèmes à aborder avec cet opus, ou bien des thèmes t’ont surpris en cours de route et/ou ont surgi après-coup ?
Autant quand je joue solo, mes compositions sont directement reliées à des personnes qui comptent ou ont compté, autant dans ISCO, c’est beaucoup plus flou. Comme pour laisser planer une ambiguïté. On nous le « reproche » souvent. On a tenté pas mal de dispositifs d’aide pour développer un peu le projet, et on ressent souvent une certaine incompréhension, ou une incapacité de notre musique à se conformer au milieu de la musique subventionnée. Il est très compliqué pour nous d’obtenir un concert dans une S.M.A.C. par exemple. Non pas qu’on le recherche à tout prix, mais, sur une tournée ou en terme d’exposition, ça nous aiderait. L’album et le premier morceau, sans parler de cette incompréhension en particulier, parle de « (M)Iscommunication », soit de malentendu et de mésentente en général, pour celles et ceux qui n’aurait pas saisi le jeu de mot. J’adore ce titre (musicalement) car il n’est pas clair et ne ressemble pas trop à ce qu’on a fait avant. Ça commence sur un kick électro en morse avec un chant de sirène maléfique guitaristique drapé de delays détunés, puis ça enchaine sur une harmonie horrifique avec un polyrythme clin d’œil à «Adule Et Sens», puis ça part sur une techno vide pour aller vers une plage ambient Steve Mooresque ou Yorkesque, puis ça finit sur une vague Led Zep/Primus. Voilà, c’est tout chelou et on joue ce titre en premier en live, et même si c’est pas de la musique expé expé, on voit bien que c’est pas clair. Puis tout au long du set, ça s’éclaircit et on termine dans les étoiles avec «5 Constellations» qui est notre morceau transe kraut de fin de set. Au milieu, c’est pimenté, y a des bananes et des idiots. Et parfois une ambiance de plomb («Saturnisme» !).

« Je me suis encore dit, tiens, en Belgique, ils arrivent toujours à rassembler autour de projets artistiques exigeants et ça reste la fête avec des gaufres et des bières. »

Où es-tu côté collaborations annexes ? Quelle actualité parmi tes multiples projets ?
Ces derniers temps, je me consacre à ISCO, Death Tube et mon projet solo, et c’est déjà beaucoup trop pour bien faire, donc ce serait contre-productif d’en faire plus, mais j’aimerais faire de la musique à l’image. Ou travailler avec Jérémy Monchaux (dessinateur) sur une performance dessin/musique par exemple. Avec Death Tube, une résidence se profile et on espère faire des dates car les temps sont durs ! Sinon en ce moment, je démarre l’enregistrement d’un album solo (une partie guitare seule, l’autre plus orchestrée).

Quels artistes/groupes as-tu écouté en boucle dernièrement ? Plus largement, qu’est-ce qui t’a enthousiasmé (artistiquement mais pas que) récemment ?
J’ai beaucoup écouté The Smile récemment, et les voir en concert m’a énormément réjoui. Moi qui évolue plutôt dans des petites salles et dans des lieux underground, écouter cette musique au milieu de milliers de personnes de différentes générations, étrangement, ça m’a rassuré. Je me suis encore dit, tiens, en Belgique, ils arrivent toujours à rassembler autour de projets artistiques exigeants et ça reste la fête avec des gaufres et des bières. Pour une fois que j’aime un groupe de « pop », je ne boude pas mon plaisir. Je continue mes investigations dans le Folk Baroque (j’ai beaucoup de retard), et j’écoute pas mal John Renbourn, Gordon Giltrap, etc. J’adore les derniers duos Julian Lage/Gyan Riley composés par John Zorn.

Je reviens d’un voyage au Maroc qui m’a subjugué. Marcher dans l’Atlas m’a remis un peu les idées en place. Et voir ce qu’on peut faire avec une économie de moyens aussi. Les architectures, les couleurs, la musique et la nourriture… J’y ai écouté de la musique classique andalouse et du gnawa en live, priceless ! Du coup, depuis mon retour, j’écoute mon vinyle d’Hamid Zahir en boucle, il m’en faut d’autres ! Peut-être je vais faire un groupe de pop orientale pour mettre la claque à Glass Beams (que j’aime bien même s’ils n’ont pas inventé la poudre), parce que j’en ai marre qu’on m’envoie leurs vidéos en disant « tiens ça me rappelle quelque chose », hahaha. Sinon, mon fils est enthousiasmant au quotidien.

Et rejouer avec Acid Mothers Temple, tes impressions ? Que dirais-tu à celles et ceux qui ne connaissent pas du tout ce groupe, pour leur donner envie de venir les découvrir ? (la question vaut aussi pour ISCO)
J’ai déjà joué deux fois avec AMT.‌ A chaque fois que je les ai vus, ça m’a mis dans une belle transe. Surtout à Métalu en 2022. Ce sont les gardiens de la galaxie psyché rock space transe. Et en plus, ils font vivre l’héritage Acid Mothers Gong, et entendre des morceaux de GONG que j’adore passés à la moulinette japonaise/japanoise, c’est fabuleux. Comment donner envie aux gens de venir voir ISCO ? Acceptez de vous perdre dans notre musique multifacette afin de mieux vous retrouver !

IDIOT SAINT CRAZY ORCHESTRA

ISCommunication

Local Zéro / Table Basse Records, Do It Youssef, Love Mazout (version vinyle)

Rassemblé autour de Valentin Carette, IDIOT SAINT CRAZY ORCHESTRA est un trio à géométrie variable, resserré ici en triangle des Bermudes inversé où les vaisseaux fantômes réapparaîtraient… Entre danse macabre et écho pas si lointain au muralisme mexicain, les cowboys masqués des abysses distillent leurs sérénades de l’enfer via un rock prog psyché ethnique, barré et chevronné (dans tous les sens du terme), qui n’appartient décidément qu’à eux. Véritable bande-son d’un western hypothétique, c’est un trip âcre, ocre, aux antennes brouillées d’insectes survoltés («Cruisin’ For Bananas», «5 Constellations»), un carrousel à plat ventre, cheval détroit de Gibraltar au galop vers un lopin de terre inconnue («Saturnism»)… Œil du cyclone ad vitam. De quoi dodeliner de la tête et opiner du chef à l’écoute de cette fresque serpentine vantant les bienfaits de la caféine («I Need A Black Coffee»), indispensable breuvage pour faire passer ce satané Garmonbozia (les plus lynchéen.ne.s d’entre vous comprendront). ISCommunication prétend dissiper (ou entretenir, c’est selon) tout malentendu (miscommunication), voire hisser l’art de communiquer à un autre niveau. Alors oui, tentons d’élever, en tout cas de maintenir le débat !

Agenda

mar11juin20 h 00 minACID MOTHER TEMPLE, Idiot Saint Crazy OrchestraBULLE CAFÉ, 47/49 rue d’Arras LILLE [59]