Vers 19 :00, le trio foule le plancher du chapiteau installé devant la Manufacture. L’écran géant disposé derrière la scène retransmet les images captées par les multiples caméras présentes sur la scène et le parking. Les musiciens ont la taille de Playmobils mais la jubilation est palpable derrière les vitres. Les enfants affichent des bouilles rieuses, applaudissent et jubilent. Des exaltés tentent quelques applaudissements, étouffés par les klaxons. Quelques portières s’ouvrent, les jambes se dégourdissent (dansent ?) et les mains allument des cigarettes (le parking était pas fumeur). Ces gestes anodins offrent presque un semblant de normalité. Et le choix d’EDGÄR s’est avéré judicieux : le groupe évoque Radiohead ou Coldplay, en privilégiant la mélodie comme pour appuyer la mélancolie de leurs chansons. Les gars jouent avec le public et même si le coït est lourdement protégé, il se dégage rapidement une belle exaltation euphorique de part et d’autre de la scène. Les harmonies, rigoureusement maitrisées, viennent se lover dans les oreilles et libèrent l’endorphine dans les habitacles. Le son est lustré comme un single de Tears For Fears, les nappes de synthé, véritable invitation au diabète, dégoulinent sur le parking. L’ajout d’un batteur couteau suisse (pad, percussions, batterie organique) apporte une assise qui libère les deux chanteurs. Le set est travaillé, efficace, professionnel. Rien ne dénote dans leur plan de domination du monde, tout est taillé au cordeau pour atteindre l’objectif que le groupe s’est fixé. EDGÄR flatte gentiment les automobilistes (« On s’en fait une dernière parce que c’est trop bon de se retrouver ») et finit opportunément par une reprise dépouillée de la vieille scie de Simon & Garfunkel, «The Sound of Silence». On aurait préféré «I’m a Rock» ou «A Hazy Shade of Winter» mais le capital émotionnel de ces dernières dans l’inconscient collectif invite moins à l’achat compulsif post-concert.
On a entendu ici et là des râleurs râler et évoquer une discrimination envers les piétons, un coup médiatique, un gadget. On pourra regretter un bilan carbone catastrophique mais on préfèrera retenir les sourires et la belle mise en valeur de la Manufacture qui en dépit d’une programmation ouvertement grand public (47ter, Izia, Sinclair) peine encore à rameuter les foules.