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photo © Nicolas Djavanshir

JUNE BUG

Par Camille MAUVAIS

Le 2 juillet dernier, JUNE BUG se produisait sur la scène régionale du Mainsquare, l’occasion pour le duo lillois de défendre leur dernier EP Fearless, et de répondre à nos questions !

L’EP Fearless a mis quatre ans à être produit, est-ce que les deux releases party, à Paris et à Lille ont été un soulagement après autant de travail ?
Sarah (aka June) : Il y a deux choses : faire l’album, écrire les morceaux et les sortir sur un support, puis ensuite créer le live qui va suivre l’album. En effet, je pense que c’est un soulagement, c’était vraiment une grande fête et ça fait du bien parce que l’on peut laisser notre esprit aller vers autre chose maintenant et passer à la suite. Il y a la tournée, mais aussi l’écriture des futurs albums… On a eu des petits retards, dont le covid et des choses plus personnelles, des histoires de technique, d’agenda, trouver l’identité de l’EP… Donc oui, il était temps !
Béryl : Oui, c’est un soulagement parce que c’est finalement un peu stressant, ça faisait longtemps que l’on n’avait pas joué !

L’EP est sombre et profond, dans ses sonorités et sa musicalité. Les quatre années durant lesquelles vous avez composé cet EP ont été chargées (covid, confinement, etc.), est-ce que votre expérience personnelle face à ces événements, et même l’ambiance globale de la société vous ont influencé dans le processus de création ?
Sarah (aka June) : Non, à la base, j’étais personnellement partie sur quelque chose de plutôt folk, un peu un retour à mes origines musicales. J’avais envie de travailler les voix, les harmonies, de repartir sur quelque chose de plus acoustique. Mais finalement, juste avant le Covid, on est tombé sur un synthé des années 80 (un polysix) dans le grenier d’une maison qui allait être vendue. Il y avait quelques réparations à faire, mais quand on l’a eu dans les mains et qu’on l’a branché, ça a été un peu notre base. C’est peut-être ce qui peut expliquer le son profond que certains ressentent. Il y a aussi beaucoup de basses, et c’est quelque chose que l’on a été creuser grâce à ce synthé. On ne maîtrise pas forcément l’electro, Béryl est plutôt rock, moi je suis plutôt folkpop, mais finalement on tend de plus en plus vers l’electro.
Béryl : On peut faire aussi des choses très lumineuses avec ce genre de synthé, mais c’est vrai que ça nous a ouvert des possibilités qu’on avait moins développées sur les précédentes compositions. Ce synthé a été une passerelle, il y a toujours un instrument comme ça qui nous ouvre un terrain de jeu et qui motive à la composition.

Qu’en est-il des paroles et des thèmes abordés, qui sont eux aussi sombres ? Et pourquoi avoir choisi l’anglais ?
Sarah (aka June) : Au-delà du covid, qui a plus impacté l’organisation et qui a rallongé la période de travail, c’est plutôt la période actuelle et la naissance de notre petit garçon qui ont eu une influence. Le titre «Rollercoaster» parle justement de notre petit garçon et du monde qui l’attend. C’est moi qui écris les paroles, et en général ce qui m’influence, c’est ce qui m’impacte au quotidien. Pour ce qui est de l’anglais, je le maîtrise depuis de nombreuses années. J’ai été professeur de français en Angleterre, et quand j’ai commencé à écrire et à découvrir le monde de la musique, j’étais là-bas. J’étais tombée sur Kimya Dawson et Soko à l’époque, leur écriture me touchait directement, bien plus que d’autres textes que j’avais pu entendre jusque-là. La maîtrise du français ça demande une autre sonorité, c’est une autre façon de mettre les mots ensemble, et pour l’instant je ne me sens pas à l’aise, mais ça ne veut pas dire que ça ne viendra pas !

Selon vous, est-ce que c’est la musique qui porte les paroles ou les paroles qui sont au service de la musique ? Quand vous composez, est-ce que l’un prend le pas sur l’autre, ou est-ce que les deux sont naturellement liés ?
Béryl : Il y a un peu des deux, ça dépend des compositions au final. Ça arrive que l’on improvise, en cherchant des sonorités qui nous plaisent. Moi, j’aime bien toucher à beaucoup de machines, ça fait quelques années que je m’intéresse au séquenceur rythmique et au synthétiseur. À la base, je suis guitariste et j’aime bien chanter aussi. Tout ça cumulé nous permet de créer des atmosphères musicales qui servent souvent de base.
Sarah (aka June) : Sur la base d’une mélodie, il y a des mots qui vont donner le ton et plus ou moins l’idée du sujet vers lequel va tendre l’écriture. En fait, je n’ai jamais écrit un texte que l’on a ensuite mis en musique.

J’ai cru comprendre aussi que vous adoriez trafiquer les sons pour en faire ressortir des sonorités étranges, et bidouiller les arrangements aussi, qu’est-ce qui vous plaît tant là-dedans ?
Béryl : Je pense que l’on n’a pas les mêmes attentes sur ce point ! Je suis plutôt de l’école qui aime bien bidouiller. J’aime aller chercher des textures particulières, parce que j’ai tellement d’influences qui me touchent, que parfois, j’ai envie de me rapprocher plus d’un son que d’un autre. Quand je fais écouter à June, soit ça lui parle, soit ça ne lui parle pas ! C’est intéressant, car il y a un côté plus spontané et un autre un peu moins spontané qui se mélangent finalement. Même si parfois ça nous fait perdre un peu de temps dans le processus de création.
Sarah (aka June) : Moi, c’est plus direct, ça va plutôt être un ressenti très rapide après écoute. Il y a peut-être des détails que je ne remarque même pas dans l’album (rire). Il y a beaucoup d’aller-retour entre nous deux. Après Béryl ne le prends jamais mal quand je lui dis que sur tel morceau, je ne ressens rien ou que ça ne me parle pas. Il va le retravailler de son côté, moi je vais faire mes recherches aussi et après on valide ensemble ! On a aussi découvert des groupes comme Gablé, qui mélangent plein d’influences et qui emmènent l’auditeur dans un collage sonore. Ils sont très bien en live, on est allé les voir, on en a beaucoup discuté et on s’est complètement retrouvé sur ce genre de projet musical.

Fearless

« JUNE BUG c’est un duo, c’est un trio, c’est un solo. »

Dans une précédente interview, Sarah tu disais : « JUNE BUG, c’est entre du solo et du groupe », c’est encore le cas aujourd’hui ou ça a évolué ?
Sarah (aka June) : Est-ce qu’on a besoin d’être dans une case solo/duo ? Et en même temps ça nous pose question, parce que quand tu fais une photo, il faut savoir qui va sur la photo, même quand tu envoies des informations. Je pense que l’on est vraiment en duo dans la composition ! Par contre, en effet, si demain le projet s’arrête, c’est parce que moi j’arrête. Mais aujourd’hui, en co-composition et sur scène, on est vraiment dans l’échange, et ça ne serait pas juste de dire que je suis en solo. Après, j’ai le dernier mot quand même, car je dois pouvoir défendre les chansons et mes textes sur scène. C’est le «duo/solo» finalement, peut-être qu’avant on était plus «solo/duo» d’ailleurs, et on reste un trio sur scène.
Béryl : Ça dépend où l’on se place j’ai l’impression, parce qu’on ne peut pas juste simplifier les choses en disant « JUNE BUG c’est un duo, c’est un trio, c’est un solo ». On est obligé de préciser, mais c’est vrai que sur les photos on s’affiche en duo, alors que sur scène on est trois. C’est ce que l’on défend en ce moment : un trio sur scène, un duo à la composition. C’est June qui écrit les textes, donc si elle devait retourner à l’essence du projet en mode «guitare/voix», ce qui lui suffirait pour défendre une chanson, il n’y aurait plus de projet.

Vous pouvez me raconter l’histoire de la cover de Fearless ?

Sarah (aka June) : C’est moi qui l’ai designée ! C’est un collage avec des dessins qui a été fait par ma maman il y a 30 ans. Je suis tombée dessus en sortant tous mes papiers Canson. L’idée du collage est venue de là. Je me suis auto-formée à Photoshop et Indesign cette année. J’ai deux copains un peu graphistes, donc dès que j’avais des questions, j’ai pu les consulter. Je leur ai demandé leur avis sur les différentes versions, s’ils avaient des idées et ils ont répondu présent. C’était chouette, j’ai eu beaucoup de chance, parce qu’envoyer des fichiers pour l’étape du pressage, sans avoir de connaissances graphiques, c’est un gros risque. D’ailleurs, il y a des coquilles dans la pochette intérieure. C’est des détails, mais sans doute que des graphistes ne se seraient pas plantés…(rire). Cet album-là a été tiré à 300 exemplaires en vinyles, et j’ai brodé quelques pochettes à la main. Ce délire de broderie est parti de notre travail sur tout le merchandising avec une brodeuse du coin, By Charlotte qui a créé La Boucherie Broderies. Avant même cette collaboration, quand il fallait trouver la typo pour écrire «June Bug», je m’étais amusée à faire des écritures en broderie et je me suis dit « pourquoi pas le re-broder par-dessus pour en faire une édition collector ? »

Les figurants présents dans le clip de «Rollercoaster», ce sont vos proches ? Pourquoi avoir fait appel à eux ?
Sarah (aka June) : C’est le titre le plus personnel je pense, puisque je m’adresse directement à Sacha (ndlr le fils de June et Béryl). Dedans, je raconte ma peur qu’il ne trouve pas sa place dans le monde, je lui adresse des mots, donc c’est assez personnel. Du coup, ça faisait sens qu’il soit dans le clip, ainsi que nos amis et nos familles. Ils ont tous répondu à l’appel ! Il y en a beaucoup plus qui auraient aimé venir, mais ils ne pouvaient pas… Quand ils ont vu le clip, ils étaient un peu déçus de ne pas avoir été là… C’est vrai que ça marque un moment dans ta vie, et ça devient un souvenir, un peu comme ce que je dis dans «Rollercoaster». Ça fixe un peu de quoi parle la chanson, avec des choses vraies et authentiques. C’est vrai que, ce qui fait que l’on peut aller un peu partout et dans tous les sens avec JUNE BUG, c’est que l’on est authentique avec nous-même et avec la musique que l’on produit. Cette recherche d’authenticité par rapport à ce qu’on aime, au moment où on l’aime et de ne pas chercher à reproduire juste parce que ça se vend, ça a toujours été vraiment important pour nous : d’être le plus authentique possible.

Votre DA évolue, au même titre que votre style musical, c’est aussi plaisant de tout repenser d’un point de vue visuel ?
Sarah (aka June) : Moi j’adore, je prends énormément de plaisir à penser les clips si on a le temps de le faire, et si on a les finances aussi. Pour cet album-là, on a pu prendre le temps et on a aussi été soutenus par la région, notamment via Pictanovo pour le clip de «Clap Your Hands». Pour toutes les pochettes, j’ai toujours été vachement inclus dans le processus de création et ça me plaisait ! Béryl aussi d’ailleurs en faisait partie. Après là, j’ai carrément mis les mains à la pâte, mais ça demande une énergie folle. Pour moi, ça fait partie du processus créatif : c’est des phases, donc une fois que tu as fait la musique, tu te dis : « ça y est, maintenant je vais pouvoir commencer à réfléchir aux couleurs et à tout ce qui va avec cette musique », et ça reprend toute une nouvelle phase de création, donc ça prend énormément de temps. C’est super hyper kiffant si tu as le temps de le faire !
Béryl : Je suis de son avis, mais il faut aussi connaître ses limites et déléguer le moment venu !