ANATHEMA / ALCEST
A Lille [59] Aéronef / Jeudi 05 Octobre 2017
Par Romain RICHEZ
Bien évidemment, on ne présente plus ANATHEMA ni même ALCEST. Deux formations dont le sens de la composition et l’accomplissement artistique ne sont plus à prouver ni même à découvrir mais plutôt à saluer et, bien au-delà, à savourer. Alors l’annonce d’une tournée commune en avait alerté plus d’un mais surtout l’annonce du date lillois en avait affolé plus d’un. Et il faut dire que depuis, comme un goût progressif errait dans l’atmosphère lilloise. Quoi qu’il en soit, c’est en pleine semaine, plus précisément en plein Jeudi qu’ANATHEMA et ALCEST avaient pris rendez-vous avec l’Aéronef Lillois. Et c’est également en pleine semaine et en plein Jeudi qu’ALCEST et ANATHEMA ont tour-à-tour pris possession de l’objet volant identifié Avenue Willy Brandt pour le faire flotter plusieurs décibels au-dessus du niveau 2 d’Euralille.
ALCEST
Il est donc à peine 20h (bon 20h03 pour les emmerdeurs) lorsqu’ALCEST, rare groupe assimilé metal que Daniel Cavanagh écoute et surtout que Daniel Cavanagh admire, entre en piste pour lancer les premières dérives mélodieuses et errances mélancoliques de la soirée. Bien loin d’être des inconnus aux oreilles du public et aux t-shirts de la fosse, la bande menée par Neige connait sa première fois en bas de la mezzanine la plus musicale du « Grand Nord » pour citer Pernaut. Et, comme pour déroger aux croyances populaires, il faut croire que cette première fois ne s’est pas mal passée. D’ailleurs, elle s’est même relativement bien passée ! Dans tous les cas, il faut dire que la formation a tracé son petit bonhomme de chemin depuis sa dernière fois dans la nuit lilloise (à savoir au Bar La Chimère en Avril 2011 !). Quoi qu’il en soit, pour revenir aux temps actuels, ALCEST n’a pas manqué son rendez-vous et a même eu le culot de séduire quelques rares oreilles pour qui ce nom n’évoquait encore rien.
Musicalement, ALCEST propose une savoureuse alchimie entre post-black metal et shoegazing alimenté par un sens de la transition relativement prog’ et des enchaînements fusionnés ou noyés dans de multiples variations aussi bien de notes que de sentiments et d’ambiances. En cela, l’univers d’ALCEST se traduit par des compositions relativement longues et torturées ne descendant que rarement sous la barre des huit minutes (« Délivrance »). Titres portés par la voix fragile et cristalline de Neige qui se plait à flirter avec le fil d’une certaine chute émotionnelle, côté tourmenté sinueusement épaulé par des pointes vocalistes extrêmes envoutantes (« Oiseaux de Proies »). Peu d’interactions entre le groupe et le public, choix délibérément artistique pour laisser davantage place à l’intensité émotive qui ressort de l’instant ou de cet aspect d’osmose relativement unique qui semble s’installer entre les diverses notes d’ALCEST et une certaine communion avec l’âme du public. Instant relativement fragile et équivoque en somme.
Quoi qu’il en soit, et qu’ALCEST soit à bicyclette dans ses émotions ou non, en un peu plus d’une heure de prestation, ALCEST rend hommage à la plupart des albums de sa discographie. Même si le dernier album de la formation, Kodama, se retrouve fort mis en avant, occupant ainsi la moitié du set (« Kodama », « Oiseaux de Proie », « Eclosion »), ALCEST n’en oublie pas pourtant ses autres sorties studios (Les Voyages de l’Ame sera notamment représenté par « Autre Temps » et « Là Où Naissent les Couleurs Nouvelles »).
C’est donc au bout d’une setlist d’à peine sept titres (mais s’étalant vachement les pépères) qu’ALCEST clôture sa performance qui, osons l’avouer, était autant symboliquement que musicalement magique, appelant à la transcendance et au voyage interne. En d’autres mots, somme toute moins pédants, ANATHEMA ne pouvait trouver mieux qu’ALCEST pour l’accompagner sur ce The Optimist Europe Tour 2017. Ou plutôt, ALCEST ne pouvait trouver mieux qu’ANATHEMA pour l’accompagner sur une partie de ce Kodama World Tour 2017.
Setlist : 01. « Kodama », 02. « Là Où Naissent les Couleurs Nouvelles », 03. « Oiseaux de Proies », 04. « Eclosion », 05. « Autre Temps », 06. « Percées de Lumière », 07. « Délivrance »
ANATHEMA
Un peu plus d’une grosse demi-heure après qu’ALCEST soit doucement descendu de scène et qu’avec lui Lille redescende quelque peu sur Terre également, ANATHEMA et les frères Cavanagh prennaient possession de l’Aéronef. Ou plutôt l’ANATHEMA des frères Cavanagh prennait possession de l’Aéronef ! Formation incontournable du Rock Prog’, ANATHEMA trône désormais depuis presque trente ans sur le Royaume-Uni musical. Poussant toujours davantage leur son à la recherche de nouvelles explorations, les six d’ANATHEMA n’ont jamais stoppé leurs élaborations ni mêmes leurs excentricités et ce n’est pas The Optimist, sorti il y a quelques mois qui prêchera pour l’inverse. Mais peu importe, ce soir nous parlerons live et concert de haut vol (le rapport avec l’Aéronef est-il assez flagrant ?).
Il est un peu plus de 21h40 lorsque la bande originaire de Liverpool fait son entrée au son de l’instrumental « San Francisco » devant une salle ravie de les voir entamer ces premières notes de set. D’ailleurs, en abordant la salle, étrange que son balcon soit fermé pour une soirée voyant déambuler comme main-event un groupe de la trempe d’ANATHEMA. Mais passons et venons-en directement à la seconde prestation du soir. Bien qu’un tantinet faiblard en début de set (sur les deux premiers morceaux joués j’entends), ANATHEMA repris très vite de cette énergie Prog’ pour avancer dans une prestation guidée par les incontournables de son répertoire (« Untouchable » (Part. 1 et 2 évidemment) ou encore « Closer ») et d’autres titres, peut-être moins, attendus (« One Last Goodbye »). The Optimist se voit également réserver quelques instants, avec l’interprétation de près des trois-quarts de l’album (dont « Endless Ways », « Can’t Let Go » et évidemment « Springfield »). L’instrumental est cadré (la propreté du son particulièrement bon ce soir est à souligner !), les chants également et les projections diverses ne font que procurer plus de charme au spectacle. Comme à son habitude, Vincent Cavanagh s’avère très réactif envers le public et plutôt remuant sur les planches. De son côté, Danny souffrant du dos assurera néanmoins avec brio ses compositions. D’ailleurs, visiblement gêné d’avoir exécuté une bonne partie du set assis, celui-ci aménagera la setlist pour proposer quelques titres issus de Judgement afin de se faire pardonner (« Deep » et « One Last Goodbye »). Quoi qu’il en soit, ANATHEMA mènera à bien près de deux heures de concerts rythmées par les disparitions et réapparitions de Lee Douglas, s’éclipsant sur les titres sur lesquels sa voix ne se pose pas (« The Beginning And The End » par exemple). Le show s’écoule de façon relativement rapide pour se finir, évidemment, sur « Fragile Dreams ». Et, ne le cachons pas, voire la bande anglaise respirer sa musique en se prêtant à son art est un réel cadeau pour le public lillois.
Bon d’accord, comme il faut toujours avancer quelques choses de négatif et pour râler un peu, déplorons l’absence de titres incontournables comme « Thin Air » et « Lost Control ». Et les plus médisants avanceront que certains pas de danses ou déhanchements de Lee Douglas sont clairement à revoir, mais la majorité présente ne lui en tiendra pas rigueur.
D’ailleurs, pour cette immense majorité, ANATHEMA a assuré une belle nuitée lilloise comme l’Aéronef aime en voir défiler. Enfin, pour la globalité de la foule présente, aucun regret ne se fera sentir si ce n’est celui qui apparait à la fin de set quand les Cavanagh débranchent déjà leurs instruments. Mais peu importe, les occasions de les revoir ne manquerons certainement pas. ANATHEMA a répondu présent et ce n’était pas une surprise. En revanche, mention spéciale à ALCEST pour avoir fait décoller si brillement Lille en présentant son art à un public conquis et demandeur. Enfin, pour finir sur une touche d’optimisme (après avoir réécouté The Optimist), espérons que la prochaine fois qu’ALCEST reviendra à Lille sera dans moins de six ans et que ce soit en tête d’affiche devant un Aéronef complet.
Setlist : 01. « San Francisco », 02. « Untouchable, Part.1», 03. « Untouchable, Part.2 », 04. « Can’t Let Go », 05. « Endless Ways », 06. « The Optimist », 07. « The Lost Song, Part.1 », 08. « Lightning Song », 09. « Dreaming Light », 10. « The Beginning And The End », 11. « Universal », 12. « Closer », 13. « Distant Satellite », 14. « Deep », 15. « One Last Goodbye », 16. « Springfield », 17. « Fragile Dreams »