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BAASTA!

Par SCOLTI

Rencontre avec BAASTA!, le duo punk le plus grinçant de la Région que vous pourrez retrouver en concert dans de nombreux festivals cet été.

On se présente ?
Yo : quel est ton nom ?

Alors moi c’est Scolti !
Yo : Enchanté !

Vous êtes qui, vous faites quoi ?
FX : je suis FX, et à côté c’est Yo, et accessoirement on fait de la musique et on s’appelle BAASTA!, et on vient d’Arras. On est un duo, boite à rythme, basse, guitare et chant scandé, en français. Si y avait un style… on va dire MadCalais, c’est comme le Madchester de Manchester, mais dans le Pas-De-Calais.

Est-ce qu’être deux est synonyme d’approche minimaliste de la musique ?
Yo : c’est un hasard, au début. Y a du boulot pour quatre. Ça fait trois ans qu’on joue ensemble, et si on enlève le confinement, ça fait peu en fait, mais maintenant c’est devenu une évidence de n’être qu’à deux. Y a du boulot pour quatre mais on préfère le faire à deux.

Alors comment vous gérez ça ?
FX : quand on s’est rencontrés je faisais des morceaux avec une boite à rythme, avec un ipad, et des paroles en français, je mettais des guitares et des trucs. Un ami en commun nous a présentés, je cherchais un bassiste, et on a fait ça naturellement en fait. On avait essayé d’intégrer un batteur, qu’on voulait un peu différent, debout, avec des pads, et on s’est vite rendu compte que c’était compliqué, pas parce qu’il n’y mettait pas de bonne volonté, bien au contraire il était hyper patient, Will on te salue ! Mais on s’est rendus compte qu’à deux c’était plus direct, moins de logistique, moins de trucs à gérer, quand on a un problème on le règle à deux.

Et du coup vous allez à l’essentiel, sans broder ?
Yo : ouais on va à l’essentiel
FX : et de toute façon on sait que sur scène on ne pourra pas rajouter 15 000 trucs, des violons ou un orchestre symphonique juste parce que ça fait beau.

Ça raconte quelque chose de vous, d’aller à l’essentiel ?
Yo : je crois que ça colle avec le propos déjà. Faut que la musique colle avec les paroles, les textes. Le fait d’être à deux et de faire un truc bien punchy, c’est assez raccord. Tout est assez cohérent en fait.

Vous arrivez donc avec cette mixture punchy au Main Square. Participer au rayonnement du Main Square, ça veut dire quoi pour BAASTA! ?
Yo : on l’a déjà fait en 2018
FX : on venait de monter le groupe, on avait fait deux concerts dans des cafés pour essayer des trucs
Yo : et y a eu le tremplin
FX : un tremplin était organisé, on s’est dit « on va le faire, on est d’Arras, on entend les balances de chez nous, pourquoi est-ce qu’on ne le ferait pas ». on a fait le dossier, les préselections et chaque fois on arrivait au tour d’après, jusqu’à arriver à l’ouverture sur la Green Room. En tant qu’arrageois c’était cool, devant les potes, et première expérience de gros festival quoi.

Y a des symboliques qui ressortent du fait d’aller faire un gros festival comme le Main Square ?
FX : ouais, ouais, on nous a pas mal dit que comme c’était un gros festival on nous voyait comme des punks à chiens qui sont contre le capitalisme et machin-bidule… on n’a pas changé d’un iota les textes que j’écris et avec ça on est raccord avec nous-mêmes. Et dans tous les cas on peut nous proposer n’importe quel gros festival, à partir du moment où on est bien accueillis et qu’on n’a pas à changer ou déformer qui on est, pas de problèmes, au contraire, je pense que si on veut détourner un avion il faut être dedans, ça a plus de sens pour nous ouais.

« dans la suite de l’évolution de la musique punk, les punks c’était NTM et IAM par exemple »

Tu parlais des punks à chien, tu penses que « Punk’s not dead » ?
FX : Punk is already dead depuis longtemps ! Et quand tu vois qu’on vend des t-shirts Ramones et Sex Pistols chez Pimkie, il est mort depuis bien longtemps.

Le punk, entre autres choses, exprimait une révolte, une indignation face à un monde fait d’inégalités, régi par l’argent, codé et normé, et il rejetait la société qui lui était proposé. On en est où ? Est-ce que c’était, et est-ce que c’est, un combat perdu d’avance ?
Yo : tout est récupéré, tout le temps. Le punk a été récupéré super vite, déjà à l’époque des Sex Pistols, où c’était déjà un projet marketing, alors que le mouvement venait de démarrer. Il avait démarré à New-York, et pas en Angleterre déjà, et avait déjà été récupéré par les anglais. Tout est récupéré.

Ça serait donc une défaite, des t-shirts BAASTA! chez Zara ?
Yo : ah ouais ! J’espère que ça n’arrivera jamais !

Je suis pas sûr que les Ramones auraient aimé se retrouver chez Pimkie… mais c’est arrivé ?
Yo : ouais, mais eux n’ont rien compris, c’était juste des pantins, y a toujours quelqu’un qui s’enrichit sur quelque chose. Les Ramones ont joué jusque début 2000 et n’ont jamais été riches.

Y a un marché de la révolte ?
FX : non
Yo : non, mais y a une récupération de toute révolte. Regarde les t-shirts du Che Guevara, c’est inquiétant quoi. Mais c’est comme ça.
FX : les punks qui étaient la révolte, y a longtemps que c’est terminé.
Yo : mais y a des nouveaux punks. C’est parce que les vieux punks ne veulent pas se l’avouer, mais y a des jeunes plus punks qu’eux.

C’est qui les nouveaux punks ?
FX : dans la suite de l’évolution de la musique punk, les punks c’était NTM et IAM par exemple. J’ai grandi en les écoutant, et je n’avais pas encore découvert ce qui s’était fait avant. Peut-être plus Yo, parce que je suis un peu plus jeune, mais pour moi c’était eux qui dénonçaient ce qui se passait dans la société, qui voulaient que les choses changent. Et c’est un peu le même système, maintenant, à part quelques rappeurs, mais qui sont pas forcément au top de l’affiche, les mecs sont devenus des produits comme des autres, comme ce qu’on disait sur les Ramones et les Sex Pistols. Dans tous les cas, si y a une espèce d’industrie qui fait qu’on va essayer de fabriquer des révolutionnaires, ils sont révolutionnaires de quartier, mais à partir du moment où ils vont commencer à toucher de l’argent ils comprennent vite où est leur intérêt. J’ai l’impression qu’après ils ne parlent qu’en leur nom, mais pas pour quelqu’un.
Yo : le mouvement techno par exemple, t’as des free-parties dans des forêts avec un groupe électrogène, c’est punk. Mais t’as aussi des fêtes à Ibiza. C’est pas la même musique, mais on n’en est pas super loin non plus, et c’est complètement différent.

« je veux pas faire le vieux con, mais c’est compliqué de voir les jeunes générations scroller toute la journée »

C’est quoi l’élégance et le bon goût à l’ère des dictats d’Instagram et de TikTok ?
Yo : Bah justement on a aussi un morceau qui s’appelle « Gardons l’Élégance ».
FX : le refrain dit « même si on est les derniers, gardons l’élégance », c’est à dire qu’on voit que tout part en couille, et y en a qui sont prêts à tout et n’importe quoi parce que de toute façon c’est plié. Donc à partir du moment où c’est plié « faisons n’importe quoi, n’ayons plus de retenue ». Quand tu vois Hanouna ou ce genre de trucs à la télé, les gars n’ont plus de retenue, de barrières, d’estime d’eux-mêmes, les gars c’est des merdes, et t’as envie de leur dire qu’on saurait, nous, garder un minimum d’élégance. À la limite ceux qui sont dans la merde… mais ceux qui ont de la thune, et qui font le contraire de ça…  « ah bah moi je suis épicurien, j’aime bien la bonne bouffe », alors que l’épicurisme c’est se nourrir de pain sec et d’eau et cultiver son jardin, et toi parce que tu fais tes courses à Grand Frais ou dans un magasin bio, tu gardes l’élégance, tu sauves la planète. Va te faire foutre en fait !

Dans ce morceau tu parles aussi du bon goût. Il est où, donc ?
FX : écoute, on le cherche encore !

Il se perd ?
FX : tout est fait pour le perdre en fait.

C’est quoi le calibrage du bon goût maintenant ?
Yo : je veux pas faire le vieux con, mais c’est compliqué de voir les jeunes générations scroller toute la journée. Ils n’approfondissent rien en fait, c’est deux secondes d’intérêt pour quelque chose, un like, puis rien. C’est des robots quoi. Y a plus de réflexion.

Le bon goût et l’élégance ça serait de rester plus de deux secondes sur un sujet ?
Yo : ça serait déjà pas mal.
FX : ne serait-ce que s’intéresser vraiment à un sujet déjà. Là c’est du prêt à consommer.
Yo : et après on peut aussi se dire que si le gamin n’y passe que deux secondes, c’est parce que c’est pas intéressant.

Il faudrait que vous montriez votre cul ?
Yo : ouais par exemple, ouais.

Il faut être dans la quête du buzz ?
FX : et c’est ridicule. On nous a dit plein de fois « vous devriez faire ça, et ça », et puis ? Je préfère dire une phrase à laquelle quelqu’un qui l’aura entendu par hasard réfléchira dans six mois, que « tu te souviens des deux connards qui s’écrasaient des tartes à la crème ? », et encore, tartes à la crème c’est un truc de ringard…

Vous pensez quoi de la simulation du bonheur sur les réseaux ?
FX : ça participe de la fin du monde dont on parle dans « Fin Du Monde »
Yo : c’est rassurant pour les gens d’exposer leur bonheur infime, au restaurant en prenant leur plat en photo.

Même quand ce bonheur est falso ?
Yo : ah bah oui, parce que c’est rassurant pour eux de montrer à leur petit entourage qu’ils passent un bon moment. Passe-le ton bon moment, ne le montre pas aux autres !

Ils rentrent dans la spirale du complexe aussi, parce que les gens sont complexés face à la vie exposée des autres, et les complexent en agissant de la même façon ?
FX : c’est le quart d’heure dont parlait Warhol, sauf que là c’est tout le temps, partout, sans arrêt, même si ça ne dure qu’une seconde et que c’est absolument inintéressant. C’est les community managers de leur propre vie en fait. Les gens se mettent en scène ou autre, c’est hallucinant. Quand tu vois les concerts pour lesquels des gens payent des blindes, qui ont été conçus pour être gigantesques, et ils regardent tout le concert à travers le putain d’écran de leur téléphone, alors que tout est déjà filmé, et tout ça pour faire quoi ?

Ils ne profitent pas de l’instant ?
FX : jamais ils ne profitent de l’instant !

Ils sont déjà dans la projection de ce qu’ils montreront de leur vie et de ce qu’on en dira ?
Yo : c’est ça, ouais.
FX : tout est prétexte à s’auto-promouvoir. C’est hallucinant
Yo : « je veux pouvoir briller demain matin à 8h quand je vais le poster, et j’aurais des likes en retour ».
FX : et ça montre le manque d’affection que ces gens ont, parce qu’ils attendent un retour, ça a été prouvé mille fois.

Ils attendent de la gratification, ça stimule les glandes ?
FX : c’est de la dopamine le truc. Et quand tu pousses à l’extrême, où après des mecs peuvent te vendre un tapis ou un verre, parce qu’en fait c’est devenu leur business, ils sont prisonniers du truc, et au départ c’est quand même des gros tocards qui ont chopé un créneau, et tu te dis « putain heureusement qu’ils ont eu ça en fait ! ». J’étais pion dans un collège, et quand tu demandais aux gamins ce qu’ils voulaient faire plus tard ils te répondaient « influenceur », ou « star ». OK, mais alors qu’est-ce que tu sais faire ? « Rien, je veux faire comme Nabila ! »

« si on pouvait jouer trois fois par semaine, on existerait par le live, et les clips ça ne serait pas important… »

La référence, c’est de ne pas avoir de talent ?
FX : ouais, mais eux ne se posent même pas la question. Ils veulent être comme, paraître, et du coup ils seront.

Tu faisais allusion au besoin d’affection, aujourd’hui est-ce que même l’amour et le sexe sont devenus des produits de consommation courante avec les applis de rencontre ?
Yo : je pense que je suis trop vieux pour répondre.

T’es déconnecté de ces trucs ? C’est volontaire ?
Yo : Ah non, j’essaye de comprendre comment ça peut marcher à l’heure actuelle, et j’aimerais pas être à leur place déjà, et les plus belles rencontres se font par hasard, enfin j’espère.
FX : mais ça c’est ta vision romantique du truc ! Alors que pour le coup c’est devenu à l’image de la société, c’est de la consommation, bientôt on aura un Uber Sex, tu vois ? On te livrera un mec ou une nana, parce qu’ils seront en galère de thunes, et ils reverseront une part à la plateforme, ils feront partie de la Start-Up Nation parce qu’ils auront monté une auto-entreprise, ne feront plus partie des chiffres du chômage, et se feront livrer sur une mobylette !

Le monde actuel laisse encore la possibilité de choisir la vie ? Le virtuel est la nouvelle paresse ?
Yo : y a le Metaverse qui arrive, donc ça va encore être autre chose ça…
FX : ce n’est plus « Choisis la vie », mais « Choisis l’univers », si tu veux évoluer… La réalité dépasse la fiction, mais je pense qu’il y a quand même moyen de choisir la vie, à partir du moment où tu l’as décidé. On n’est pas en train de dire que tout est plié, sinon autant se tirer une balle tout de suite ! Mais, non, y a quand même une part de gens qui se rendent compte au fur et à mesure, ça prend le temps que ça prend mais y a des prises de conscience, parfois, et forcément c’est long, parce que, tout comme l’attraction sur terre qui est vers le bas, le penchant qui tire vers le bas est dur à remonter, ça demande un effort, se laisser tomber est hyper simple. Mais choisir la vie ? Ouais, à partir du moment où on est conscient qu’il y a un jeu à jouer et qu’on sait le décrypter…
Yo : on n’a pas un morceau qui s’appelle « Choisis la vie » nous ? (sourire)
FX ; bah oui, je pense qu’il y fait habilement allusion (sourire).

Ce qui manque, c’est donc la marche de la conscientisation alors ?
FX : Ouais, à tous les niveaux. Les mecs qui ont 18 ans aujourd’hui, ils écoutent qui ? Qui est là pour les faire penser différemment ? Y en n’a pas tant que ça ! Voire même, si ça tend vers le bas, c’est ce qui fait que les jeunes apprécieront. Du coup je me rends compte qu’on est en train de faire une putain d’interview de vieux cons. (rires)

Être conscient c’est être un vieux con ?
Yo : peut-être que c’est parce que ce sont les plus vieux qui sont les plus conscients ?
FX : Ouais, enfin, y a quand même une tripotée de connards chez les quadras ! Suffit de regarder le résultat des élections ! T’as vite compris qu’y a des mecs qu’ont pas encore gaulé le truc.

On vit dans la civilisation de l’image. Est-ce que la culture, les visions, et les idées, ne s’imposent pas inévitablement par l’image désormais ? Les clips sont une arme ou juste un prolongement artistique pour BAASTA! ?
Yo : si on pouvait jouer trois fois par semaine, on existerait par le live, et les clips ça ne serait pas important. Sauf que pendant la pandémie, ce qui était compliqué est qu’on ne jouait plus, et on a sorti pas mal de clips, justement pour exister visuellement et avoir du contenu, on y revient, à proposer.

Mais est-ce que ne peut pas accrocher cette jeunesse de la civilisation de l’image par des clips qui les amèneraient vers les textes, grâce aux clips ? Utiliser la forme pour aller vers le fond ?
Yo : si on voulait les attirer on ne ferait pas les mêmes clips.
FX : Ouais, clairement. On s’est déjà posé plusieurs fois la question.

Mais même pas forcément les jeunes d’ailleurs, juste les gens tout court ?
FX : si on voulait faire un clip putassier on saurait le faire mille fois en fait. Des fois on faisait des trucs rigolos, puis on se disait « mouais, bon, on va pas pousser… »
Yo : ça n’a jamais été très rigolo non plus (rires)

Y a une démarche artistique dans vos clips ?
FX : Ouais !
Yo : c’est le métier de FX.
FX : je fais de la vidéo.
Yo : on a toujours une idée farfelue, on fait un apéro, on a des idées complètement cons, et le lendemain on se dit que finalement c’est peut-être pas si mal.
FX : Ouais, une espèce d’antithèse de « Le soir des lions, le matin des couillons ». On se dit « eh le clip on ne le ferait pas quand même ? », et du coup on va faire le clip dans une piscine parce que Yo a dit la veille « Weh, s’rait rigolo si ‘jouait sous l’eau… » (sourire).
Yo : ouais, le lendemain il suffit de se rappeler de ce truc complètement absurde, et se dire « avec un tel, un tel, et trois bouts de ficelle, on le fait ! »

Et une capacité à l’apnée aussi ?
Les deux : Ouais ! (rires)
Yo : ça pique les yeux !
FX : Et surtout, on aurait pu choisir une esthétique colorée, catchy etc, mais dès le départ on savait qu’on ferait du noir et blanc, et c’est devenu une identité. Même sur scène, y a jamais de couleurs, instruments, fringues, lumières, c’est un vrai choix, une radicalité, toute comme la musique peut être radicale, dans le sens où il y a de la boite à rythmes, peu de musiciens, pas de solos, un truc « less is more » quoi, à l’anglaise.

L’image, toujours. Black Mirror et autres dystopies, ce sont juste des fictions de divertissement ou des avertissements qui passent inaperçus ?
FX : des avertissements. Et en fonction des épisodes ou des saisons, tu peux te dire « ça va arriver », et il suffit d’attendre un peu et tu le vois au zapping, et ce n’est plus un épisode de Black Mirror, mais la Chine en 2021.
Yo : et même avant Black Mirror, y avait plein de choses, Idiocracy, Soleil Vert, ou Soylent Green, « 1984 » aussi, y avait plein de trucs assez fous qu’on regardait en se disant que ça n’arriverait jamais.

Et ce qui fascine, c’est de pouvoir se dire, une fois la télé éteinte, que c’est juste du divertissement, ou alors y voir un vrai message et aimer avoir peur ?
Yo : il vaut mieux avoir peur au cinéma que dans la vraie vie.

Mais ça peut servir, de faire peur, parfois ?
Yo : en fait personne ne le comprend vraiment quand même ?

On n’y croit pas.
Yo : faut que ça arrive devant chez toi.
FX : tant que ça ne te touche pas personnellement, le réel n’a pas eu lieu.
Yo : le réchauffement climatique, tant que ta pelouse n’est pas jaune, tu te dis que c’est du pipot. Tant que ce sont les pauvres qui meurent tout le monde s’en branle.
FX : tant le deuxième album qui arrive, j’ai écrit un titre qui s’appelle « Fiction Ou Vérité », un morceau composé pendant la période Covid, la fin de Trump, ce genre de trucs. Le truc, c’est que t’as beau prouver que 2+2 font 4, pour certains ça fait 5, c’est Orwellien… On est entre Le Meilleur Des Mondes d’Aldous Huxley, c’est à dire qu’on va tout faire pour vous divertir n’ayez pas peur, mais en même temps on va vous divertir et vous faire croire des choses… le virus n’existe pas, s’il existe faut porter des masques, ou faut pas porter de masques, c’est toujours tout et son contraire.

On a beau savoir, mais on manque probablement de capacité d’action. Pour sortir du « faites ce que je dis pas ce que je fais », il faut juste faire, sans se soucier de ce qu’on en dira ?
FX : je pense ouais
Yo : on n’a pas un titre qui s’appelle comme ça ? (rires)
FX : ouais, putain c’est bien foutu ! (rires)

L’important c’est d’agir ?
FX : Ouais, et ça c’est dans le meilleur des cas. Mais si tu ne comptes pas faire quelque chose, au moins ferme ta gueule. Arrête de donner des leçons, arrête de dire ça alors qu’on sait très bien que tu penses le contraire, que tu fais le contraire, qu’il y a des preuves que tu fais le contraire, et tu seras ré-élu quand même parce qu’il faut faire barrage comme des castors. C’est comme le « Mangez 5 fruits et légumes par jour », OK, mais comment on fait ? Certains ne peuvent pas se les payer. Oui mais faites le, la pub l’a dit ! Achète un smartphone, sinon comment tu fais ? Faut suivre le mouvement mec, on n’est pas des putain de amish. « Venez comme vous êtes », mais si vous êtes noir, pas trop quand même, et si vous êtes rebeu…
Yo : bah venez pas tout court ! (rires) à moins que vous voulez travailler derrière le comptoir à la plonge !
FX : à l’abri du public pour pas choquer le bourgeois.

OK, on poursuit. On peut avoir conscience, à l’échelle individuelle, de la mesure des problèmes graves, comme le réchauffement climatique ? Le problème, c’est le confort ? Tout roule tant que ça va pour moi ?
Yo : c’est clairement ça ! Tant qu’on n’est pas concerné on s’en bat un peu les couilles.

À quel moment on est concerné ?
Yo : Quand on réfléchit cinq minutes.
FX : et quand on n’est pas dans le déni aussi. Tu peux montrer des vidéos à quelqu’un, le mec trouvera dégueulasse la façon dont les cochons se font défoncer, il dira que c’est inadmissible, il te demandera où il faut signer la pétition, te dira que t’as bien fait de lui en parler, et à l’apéro suivant il réclamera son saucisson ! Je préfère avoir affaire à un nihiliste, qui s’en bat les couilles de tout, et qui ne sert pas dans le « faites ce que je dis et pas ce que je fais ».
Yo : Quand les gens sont trompés, ils baissent les bras. Prenons le tri des déchets, mets dans telle ou telle poubelle, c’est cool, tout le monde essaye de le faire et c’est déjà génial. Puis si tu vois dans un reportage que ta poubelle jaune est partie au Bangladesh, là tu te dis « ils se foutent de ma gueule ou quoi ? », parce qu’en plus quelqu’un s’enrichit sur le circuit. Et du coup tu ne tries plus. T’as joué le jeu, on s’est foutu de ta gueule, tu baisses les bras, alors que tu devrais te révolter sur le mec qui envoie les poubelles là-bas.

Je parlais aussi de ce rapport à la conscience des choses, quand je vois des images sur des pans d’iceberg qui s’effondrent, je me dis « quelle catastrophe ! », mais je n’ai pas d’iceberg à côté de chez moi… comment je rentre dans la conscience générale des choses, alors qu’on fait cette interview installés dans des Chesterfields ?
FX : tu ne peux pas. C’est le syndrome du Titanic, on regarde ce qui sort, pas ce qu’il y a sous l’eau. On ne préfère même pas y penser. « Chéri t’as commandé sur Uber Eats ? Je mangerais bien un Burger King !…»
Yo: « …C’est à 500 mètres mais j’ai pas envie d’y aller, j’ai la flemme ».
FX : « ça fait travailler quelqu’un, moi je rends service à la société ! Qu’il viennent pas se plaindre après… z’ont mal aux mollets les mecs, nan mais ça va ! »

Le réchauffement climatique, c’est l’urgence absolue, ou on regarde les problèmes plus « court terme » comme le pouvoir d’achat ? Fin du monde ou fin du mois ?
FX : les deux sont liés, clairement, l’un ne va pas sans l’autre.

Ouais, mais la problématique des gens est « OK, j’ai compris que la fin du monde c’est dans 100 ans, mais c’est aujourd’hui que je dois payer à bouffer à mes gosses », c’est compliqué aussi ce rapport là ?
FX : c’est pas compliqué du tout, à partir du moment où mets en place des décisions politiques. Il suffit d’expliquer au gens que certains s’enrichissent comme des oufs pendant que eux sont payés comme des merdes, puis de leur dire qu’on va prendre de la thune aux riches pour la donner aux pauvres, et qu’on arrêtera d’importer des trucs dégueulasses, qu’on se fera à manger correctement, comme ça on participe à l’écologie… Si tu donnes un peu plus d’argent à un smicard il n’ira pas les jouer en bourse.
Yo : il n’ira pas spéculer sur le blé ces 200 balles en plus par mois.
FX : tu commences par gérer l’alimentation.
Yo : circuits courts, légumes de saisons. Si on t’interdit les fraises en décembre, et point barre, mais que c’est pour la bonne cause, c’est pas si grave quoi !

Dans « Fin Du Monde » tu cites la Côte d’Azur. Ça symbolise quoi pour vous ?
FX : tout le texte de « Fin Du Monde » parle des selfies sur Instagram, du superficiel, du « j’ai couru 10 km, regardez mon parcours », et la Côte d’Azur, avec Paris, est un peu l’épicentre du superficiel. La Côte d’Azur c’est aussi les photos de vacances, où tu fais croire que tout va bien. Mais c’est pas parce que tu vas en vacances sur la Côte d’Azur, et on est d’accord qu’il faut aussi se détendre, que t’oublies tout le reste. L’idée c’est ça, la carte postale, tout est beau tout est bleu tout est machin, et bien reviens dans 50 ans parce que tout sera juste bleu, t’auras pas besoin de faire 300 mètres pour aller à la mer elle sera déjà chez toi. C’est bien… c’est un avantage aussi ! Y a pas que des inconvénients, avec nos conneries de casse-couilles « il faut sauver la planète ! », si on peut avoir la plage à Lille, au-dessus du Stade Pierre Mauroy, comme ça ils feront du pédalo et nous on fera du football à Lens !
Yo : (rires)

« Le studio ça nous fait vite chier quand même. »

Est-ce que vous avez des regrets personnels, au-delà des regrets qui ont pu avoir un impact sur le collectif, puisqu’on parlait d’écologie ?
FX : aucun.
Yo : non, non.
FX : jamais

Bien dans ses pompes ?
FX : Toujours. Voire même, si ça a pu déranger, et qu’on pourrait croire que ça nous pose un problème, c’est que t’as pas compris ma démarche. On s’appelle BAASTA! , ça veut dire ça suffit. Alors ça suffit.

Quels sont les projets et envies de BAASTA! ?
Yo : j’espère qu’on va jouer plus, on sort d’une période compliquée, même si on a réussi à faire des trucs vachement cool, comme la première partie des Stranglers, ça vaut ce que ça vaut mais pour toi ça paraissait impossible ou improbable.

L’important c’est la scène ? La vérité du terrain comme dans le foot ?
Yo : clairement oui. Le studio ça nous fait vite chier quand même.
FX : c’est pas notre truc. J’ai presque envie de dire qu’on fait BAASTA! Uniquement pour faire de la scène. On fait des vidéos etc, c’est rigolo mais en vrai ça nous fait chier. Être en studio… si tu savais comment on enregistre tu te dirais « ah ouais les gars se font pas chier quoi ». On essaye de sortir un truc de qualité quand même parce que l’un va pas sans l’autre, et y a des gens qui écoutent donc on ne va pas faire un truc pourri.

Objectif scène ?
FX : toujours. Pour l’instant on n’a pas encore été servi mais ça va venir, et on fait tout pour. Et concernant les projets, y a un album qui arrive, on a pris un peu de temps, parce qu’on voulait le faire bien, on voulait être sûrs de ce qu’on mettrait dedans, on voulait être sûrs qu’il défonce, et maintenant on n’en est plus sûrs, on en est convaincus. Donc il va se passer ce qu’il va se passer, ça va arriver. « To the top Johnny ! », comme disaient les Beatles. (rires).