2020, on en parle ? Et l’ennui de 2020 ? Et son corolaire, la procrastination qui nous fait écrire ces lignes avec quelques semaines de retard… On trouvera comme excuse que les sorties n’auront pas été bien nombreuses. Quant aux disques de qualité, on pourrait presque les compter sur les doigts (éventuellement sur les orteils pour les plus souples et les plus motivés).
Sans perdre de vue que ceux-ci n’ont pu être défendu en concert. C’est bien simple, à la question « Pour vous, quel est le meilleur album sorti en cette triste année ? », il n’y a pas eu à chercher bien longuement pour trouver les quelques élus pouvant prétendre à la couronne. C’est donc après une bien courte hésitation que notre choix se portera sur Ohms, dernier album des DEFTONES, qui semble être une illustration parfaite de cette étrange année et de notre époque.
Sorti entre deux confinements (du moins chez nous) par une bande de mecs qui prennent environ 10kg entre chaque livraison (comme nous ces derniers mois !), ce disque débarque alors qu’on attendait plus grand-chose du gang de Sacramento depuis leur Diamond Eyes de 2010. Surtout, Ohms se révèle au fil des écoutes être un virus des plus insidieux et agressifs qui soit.
Le chant de Chino Moreno fait, comme toujours ou presque, dresser les poils. Le jeu millimétrique d’Abe Cuninngham à la batterie fait tenir la boutique même tout en évoluant vers une plus grande sobriété. Quant à Stephen Carpenter, il pense peut-être que la Terre est plate mais il n’en oublie pas pour autant de signer des riffs qui tournent en rond dans nos boîtes crâniennes («Urantia»). Si certains d’entre eux semblent parfois en pilotage automatique, l’enrobage sonore produit par Terry Date, revenu aux manettes, vient rattraper le coup («Genesis»). Mais le grand artisan de cette ouvrage est sans doute Frank Delgado. Si celui-ci a toujours fait preuve d’une grande discrétion depuis ses premières participations sur Around The Fur, il tisse ici un écrin parfait qui fait enfin réellement faire la fusion entre le Nu Metal (comme disaient les jeunes-vieux des années 90) et le post-rock millésimé 80’s des Smiths, The Cure ou Depeche Mode, cher au cœur et au oreilles de Chino Moreno.
Au fil des années, le chanteur n’a cessé de déclarer sa flemme à cette musique. Au fil des reprises en faces B et en concert, on a pu sentir que cette influence était omniprésente. Mais jamais le groupe n’a réussi à produire une musique où cette symbiose aura été aussi parfaite. Il suffit d’écouter «Radiant City» ou «Error» pour s’en convaincre : les DEFTONES ont peut-être enfin réussi à faire la musique qu’ils ont toujours rêvé de faire. c’est en tout cas celle d’un groupe qui en vieillissant avec nous se bonifie comme un bon vin et réussi à sortir l’album dark qui synthétise parfaitement le climat anxiogène de son année de conception, avec sa touche d’optimisme livrée en finale, l’irradiante chanson-titre «Ohms», vaccin musicale à laquelle vous pourrez vous piquer sans prescription et sans retard de livraison.