Les concerts repartent, les gens reviennent. Tout va bien se passer maintenant ?
C’est difficile à dire. La rentrée devrait nous permettre d’en savoir plus. Nous allons passer en mode « concerts dans des lieux clos », avec une jauge de pour l’instant 75%, ce qui ne permet pas d’envisager sereinement l’avenir sur le plan financier. Mais on a retrouvé la scène, et les gens qui vont avec. C’est une convivialité qui se remet en branle et à laquelle nous sommes extrêmement attachés.
Les spectateurs vont-ils revenir en masse du jour au lendemain ?
Je l’espère. En ce qui concerne Les Fatals Picards, nous sommes plutôt chanceux : nous avons un public fidèle qui a tendance à remplir les salles. Mais je me demande si cette crise n’a pas refroidi certaines habitudes tout en en réchauffant d’autres. Je serais triste de savoir que les gens pogotent désormais devant Netflix.
Les artistes et les tourneurs (qui, pour certains, ont beaucoup perdu) sont-ils prêts à faire des efforts au niveau des cachets pour maintenir toute la filière la tête hors de l’eau ?
De notre côté, il faut être honnête, même si l’impression demeure d’avoir été considéré comme quantité négligeable par celles et ceux qui nous gouvernent, nous avons bénéficié de dispositifs d’aide efficaces qui nous ont permis d’envisager avec une relative sérénité les mois d’inactivité. Quant aux efforts, si la reprise passe par une baisse de nos cachets, c’est tout à fait envisageable, mais je ne sais pas vraiment dans quelle mesure cela aura un véritable impact sur la santé de la filière. Ce qui serait intéressant de suivre dans les mois à venir, c’est comment les programmateurs de salles et de festivals vont penser métier : en assurant leurs arrières en ne programmant que des artistes « rentables » – nous en faisons un peu partie, ou en continuant – pour certains – à faire ce travail de « découvreurs » qui devrait faire partie de leur ADN ?
Quel est ton état d’esprit aujourd’hui ?
Je suis content de pouvoir de nouveau râler pour cause d’emploi du temps surchargé. Et content de savoir que nous avons des projets. La possibilité de nous projeter.
Perspectives et angoisses ?
Les perspectives, c’est ce que je disais plus haut : un dixième album qui sortira en février*, un album live aussi, et puis la route et les rencontres. Pour ce qui est des angoisses, je dirais que j’appréhende davantage, non pas le Covid en tant que tel, mais l’arrivée d’autres saloperies de ce genre qui nous obligeraient à plier une nouvelle fois les gaules. Si ça recommence, je m’installerai peut-être définitivement dans un bled paumé avec ma famille, mes guitares et mes bouquins. J’embarquerai peut-être aussi mon caviste.
* Il s’appellera « Le Syndrome de Göteborg » et cela n’a rien à voir avec le confinement – même si le titre ne résonne pas innocemment – mais avec la chanson qui parle d’un type qui dit tout haut ce qu’il pense tout bas et qui finit par assister avec sa femme à Göteborg à une représentation de Brecht en langue des signes et en Suédois. Je me suis attelé à l’écriture de l’album en juin 2020, d’abord tout seul, puis après avec Paul quand j’ai pu aller à Rennes passer du temps avec lui. Contrairement à d’habitude, il a fallu composer avec l’absence, l’éloignement, et les règles sanitaires.