You are currently viewing LUDOVIC BOURCE
Photo Ludovic Bource & Ernst Van Tiel © PIDZ

LUDOVIC BOURCE

Par PIDZ

Depuis quelques années les ciné-concerts se multiplient dans des salles de tous styles et avec toutes sortes de films. Lille accueille un festival du genre en septembre. C’est l’occasion de poser quelques questions à LUDOVIC BOURCE, musicien et compositeur de musiques de film, notamment OSS 117 et The Artist (pour laquelle il remporta 9 prix internationaux dont le doublé César et Oscar de la meilleure musique de film en 2012).

Tu as tourné sur plusieurs continents avec The Artist en ciné-concert. L’attrait récent pour ce type de spectacle te semble international ou spécifiquement français ?
Les ciné concerts existent depuis les débuts du cinéma. Ils sont en fait la première forme de cinéma sonore. La formule avec grand orchestre, moyenne formation ou petite, voire soliste s’est développée avec le temps. Il y a des associations aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde qui célèbrent les vieux films courts, moyens ou longs métrages muets avec des interactions de compositeurs, musiciens solistes, improvisateurs, qui viennent s’adonner à cet exercice de style qu’est le ciné concert. Depuis une quinzaine d’années il y a beaucoup de fondations internationales qui se sont réunies et qui ont restauré certains films dont Les 4 Cavaliers De l’Apocalypse que j’avais vu dirigé par le chef d’orchestre Ernst VAN TIEL, spécialisé dans les ciné concerts et avec qui je travaille aujourd’hui sur la tournée The Artist. Le format du ciné concert ne s’est finalement jamais vraiment arrêté. Mais aux yeux du grand public il y a effectivement une effervescence depuis quelques années. Elle a débuté avec l’arrivée du film The Lord Of The Ring -sur une musique d’Howard Shore-. Après la première mondiale de The Artist au festival de musique de Ravello en Italie, on a reçu pas mal d’appels de gens qui avaient apprécié la formule et qui souhaitaient faire tourner le projet en France et à travers le monde. En France, The Artist à ouvert à l’idée de faire des ciné concerts, le succès étant probablement lié à la reconnaissance internationale du film et à tous les prix qu’il a pu recevoir. Dès les premières dates du ciné concert à l’Olympia, il y a vraiment des gens qui se sont dits que le format était intéressant. Hans Zimmer (NDLR : compositeur prolifique avec notamment Le Roi Lion, Gladiator, Pirates Des Caraibes, Inception, Thelma Et Louise, …), était invité à la première parisienne et c’est cette date qui lui a donné l’idée de partir en tournée avec ses musiques. Il n’avait jamais fait ça.  On peut voir en tout cas qu’il y a une vraie envie, un vrai format qui intéresse les gens dans tous les styles de musique ou de film.

Comment expliques-tu l’engouement pour cette formule hybride entre le cinéma et le live ?
L’engouement qu’il peut y avoir autour de ce format de musique avec un orchestre live et un film, c’est l’interaction organique, vivante, qui interfère avec l’émotion des gens. Sachant qu’en plus les musiques de films sont parfois sous-mixées, on peut découvrir ou redécouvrir la magie et le génie de la musique de John Williams sur les Star Wars par exemple, lorsqu’elle est jouée en ciné concert et mise en valeur avec des niveaux plus équilibrés. C’est là qu’on entend tout le talent du compositeur et toute la puissance de la musique à l’image où la musique fait pour moi 50% de la réussite d’un film.

Photo Ludovic Bource © PIDZ

On voit apparaitre des propositions très différentes (Jurassic Park, 2001 l’odyssée de l’espace, Dragons…), peut-on tout jouer en ciné-concert ?
On peut tout jouer avec les supports d’images ou autre, il n’y a pas de règle. Ce que je trouve intéressant c’est que des gens peuvent se déplacer voir des films qui leur ont plu et se rendre compte qu’il y a quand même une musique orchestrale et symphonique qui pourra leur donner envie d’écouter de grands maitres d’orchestre. Moi ce qui m’importe le plus quand les gens viennent voir The Artist, c’est qu’ils aient envie de revoir Vertigo d’Hitchcock en ciné concert (musique du Maître Bernard Herrmann) ou d’aller voir les classiques de telle ou telle œuvre connue, aussi bien de Dimitri Chostakovitch qui a fait des musiques à l’image ou bien Prokofiev évidemment. Leur musique est parfois supérieure à ce que pouvait donner un réalisateur à l’époque.

Pour un musicien, en live quelle est la spécificité de jouer un ciné-concert plutôt qu’un concert « normal » ?
Il n’y a pas de spécificité en ciné concert. Les musiciens ont les yeux rivés sur le chef d’orchestre qui, lui,  a les outils nécessaires pour regarder l’image et être calé. Les musiciens sont contrôlés par le chef qui dirige l’œuvre, les ralentissements, les accélérations, toutes les nuances bien évidemment. En tout cas il faut dégager les musiciens de tout rapport avec l’image car cela les déconcentre. C’est donc assez simple finalement. En ce qui concerne The Artist pour les enregistrements on a travaillé avec une centaine de musiciens. Sur scène, on est 96 et on finit avec un big band avec des sax qui montent sur scène donc on a un bon panel de musiciens qui œuvrent dans tous les styles revisités dans la musique de The Artist.

The Artist est tellement adapté au ciné concert qu’il donne l’impression d’avoir été créé pour cette formule, j’imagine donc que la musique a été jouée telle qu’elle a été composée à l’origine. Si on te proposait de tourner avec OSS 117, tu resterais sur ce schéma ou tu adapterais les compo ? (Et donc, à quand une tournée avec OSS 117 ? )
Après la fin des enregistrements et du mixage, on a vu le film et on a senti une envie de créer The Artist en ciné concert mais ça n’a pas été initialement pensé ou conçu pour ça. On ne pensait d’ailleurs pas que le film irait aussi loin ! Au début du film il y a un orchestre qui joue sur un film projeté. A l’époque pour les films à gros moyens on pouvait avoir une partition de maitre jouée par un orchestre pendant la diffusion du film mais c’était extrêmement rare ou uniquement pour des avant premières. A l’époque c’était surtout les orgues Wurlitzer, de très gros orgues, qui avaient la possibilité de faire plusieurs sons différents, voir des bruitages, qui étaient d’ailleurs très coûteux a l’époque donc on ne les trouvait pas dans tous les cinémas ou un organiste jouait soit des musiques composées pour le film soit un listing de morceaux « du répertoire » dont il devait jouer des parties qui pouvaient s’accommoder avec le film. Les choses n’étaient pas aussi précises qu’elles ne le sont depuis. On m’a proposé de décliner les deux musiques des OSS 177 en une sorte de show ciné concert. On est au début des possibilités. Je trouve ça super. On n’est pas dans une formule avec orchestre symphonique, mais sur quelque chose de plus petit, même s’il y a des violons, des cordes et un peu d’orchestre c’est une formation d’une trentaine de musiciens. Ça pourrait être jouable sans adapter quoi que ce soit en terme d’écriture. Mais il faudra des musiciens polyvalents par rapport aux styles des musiques à jouer. Donc on essaie de voir quand on pourra être organisés pour lancer ce show qui concernera les deux premiers OSS 177.