Même si la signification de sa prose reste souvent opaque : « Maxwell écrit selon le principe du « courant de conscience » et chacun interprète ses textes comme il le veut » précise Christophe « C’est très impressionnant à voir, il te fait des paroles en cinq minutes et ça tue ! C’est sans doute son inconscient qui parle et oui, l’absence est très présente chez lui. J’adore ses textes situationnistes surréalistes ! Et Maxwell est un garçon adorable, intelligent et très cultivé ».
On laissera aux psychologues le soin de disséquer l’âme du parolier et on se concentrera plutôt sur sa voix, un baryton profond et assuré qui laisse toutefois affleurer une fragilité que le Lee, souvent ironique et distancié, se refusait. On pourrait vite concevoir un ennui lui aussi mortel à l’évocation de ces mini-tragédies de poche et pourtant tout ici n’est que pamoison. La sobriété dans les orchestrations ajoute à ce sentiment. La technologie permet pourtant aujourd’hui de reproduire les studios Capitol, Abbey Road, Konk ou Gold Star dans sa cuisine et on peut vite être tenté de se prendre pour George Martin, Shel Talmy et Phil Spector. Voire les trois ensemble. « Mauvaise idée ! » répond Christophe. Et d’ajouter : « J’essaye tout le temps d’y aller avec retenue. S’il n’y a pas de respirations, l’auditeur zappe au bout de deux titres ».
D’où ce travail de petit chimiste sur la texture des morceaux, la superposition de fines couches sonores, comme ces cocktails dans lesquels chaque ingrédient coloré ajoute sa saveur. Parfois, au contraire, Christophe privilégie l’épure, ce qu’il appelle les « pleins et les déliés » : l’art de la litote appliqué à la pop. C’est cet art de la nécessité, cette capacité à réaliser un chef d’œuvre abouti, intemporel, un classique donc, avec le budget coiffure de Jeff Lynn, qui laisse béat d’admiration. Le Merlin enchanteur calme nos ardeurs : « Un classique, carrément? Je ne vais certainement pas dire oui, car ce serait très prétentieux, mais en tout cas c’est un album dont nous sommes très fiers. Les retours élogieux de la presse et de la radio nous ont quand un peu même surpris… »
On ne résiste pas à l’envie de lui demander ce qu’il ferait avec un budget plus en adéquation avec ses rêves de Laurel Canyon. Sa réponse nous le rend encore plus aimable : « Je garderais tout ce fric gaspillé inutilement et je m’achèterais une voiture neuve… La mienne est tellement pourrie que c’est la honte quand j’emmène mon fils à la maternelle ! ».
Pourquoi jeter 1000 dollars par la fenêtre pour s’offrir une Fender Jaguar Baritone quand on peut brancher « une guitare folk désaccordée dans un petit ampli » et obtenir un résultat meilleur encore ? Dans un monde parfait, « Love » devrait cartonner dans une série US et rendre les garçons riches à millions. « C’est une chanson que j’ai composée le premier jour du confinement. J’avais le moral à zéro. Il y a des cuillères en bois et une salière en guise de percussions, ce serait rigolo qu’elle finisse par me rapporter dix sous ! »
Entre deux concerts, Christophe planche déjà sur la suite et annonce un EP 6 titres (« on ne se moque pas du client ! ») pour le printemps 2022.