OMRÂDE

«Nåde»

Par Romain RICHEZ

Si certains décrient trop souvent le manque de créativité, d’inventivité et tout simplement de talent de certains pans de la scène actuelle, OMRÂDE saura les rassurer. Si d’autres déplorent trop souvent le manque d’expérimentations et d’explorations auditives de certaines œuvres musicales, Nåde saura les combler. Enfin, si certains et d’autres recherchent un mélange tant planant qu’émouvant et accompli que travaillé, OMRÂDE et son Nåde sauront aisément les convaincre et se les accaparer pour plusieurs heures d’écoute. En fait, d’après un célèbre syllogisme aristotélicien, tout ce que crée OMRÂDE est une belle réussite, or Nåde est un condensé de ce qu’OMRÂDE a créé de mieux jusqu’à présent, donc Nåde est une sacrée réussite. Simple comme bonjour !

Projet duo metal avant-gardiste formé de Bargnatt XIX (alias Christophe Denhez à la guitare et aux vocales) et d’Arsenic (alias Jean-Philippe Ouamer à la batterie, aux claviers et aux samples), OMRÂDE est de retour avec Nåde deux ans après Edari. Ode composée de huit pistes pour une cinquantaine de minutes d’écoute, Nåde est un voyage initiatique des sens et des sensations. Se plaisant à errer dans des sonorités et à naviguer au travers d’autres, Nåde, tout comme OMRÂDE, oscille entre divers genres, styles ou autres arrangements plus ou moins convenus. Mêlant des rythmiques presque industrielles à de légères touches planantes sur « Enter » ou éraillant ses vocales pour accompagner le plus pur post-rock sur « The Same For The Worst », Nåde se voit dans l’incapacité totale de se ranger dans un style ou une case prédéfinie. Presque tous les phases y passent et l’émotion palpable des titres ne laisse aucun répit aux tympans pour se remettre des tourments dans lesquels la douce voix de Christophe Denhez les amène (« Hänelle », « Baldar Jainko »). Tous les sens, toutes les émotions et tous les sentiments sont mis à l’épreuve, et autant dire que ce mélange relève (presque) de l’impossible, comme écrire une chronique avec la musique du générique de Motus en tête. En fait, comme l’avancerait Thierry Beccaro, c’est sans doute à force de poser ses notes sur des petites boules et de mélanger le tout qu’OMRÂDE parvient à briller et impressionner par la clarté obscure pouvant ressortir de son antre (« Styrking Leið »). D’ailleurs ces petites boules jaunes ou noires portent parfois le nom de special guests comme les clarinettes de Jonathan Maronnier (« Hänelle »), le saxophone de Lea Sor (« XII », « The Same For The Worst ») ou encore la guitare d’Edgard Chevallier (« Styrking Leið », « Falaich ») Bref, Nåde nous traine aux portes de l’expérimentation en passant par le Labyrinthe de Dédale, le résultat est simplement grandiose et l’oreille n’a que peu à faire si ce n’est se laisser porter par cette œuvre unique et homogène que constituent les cinquante-et-une minutes de Nåde. Un des mélanges les plus planants qu’il m’ait été donné d’entendre depuis un petit bout de temps. Quelle réussite !

Alors, même si à en croire l’artwork, nous sommes tous destinés à brûler en tombant des cieux, espérons que nous nous consumerons à la chaleur hypnotique de Nåde. Par contre, pour découvrir OMRÂDE en live, il faudra toutefois s’armer un tantinet de patience (la sortie du troisième album pour être précis). En attendant, tout comme Edari, Nåde a largement de quoi faire patienter d’ici là. Sur ce, il ne me reste donc plus qu’à souhaiter une excellente écoute et un bon voyage…

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