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photo © Quentin Merveillie

MADDAM

Par Camille MAUVAIS

Rencontre avec MaddaM, un jeune producteur de melodic techno hardhouse lillois, dont le dernier EP bien groovy nous a fait kiffer tout l’été.

Salut MaddaM, pour commencer, j’ai une question assez basique : pourquoi avoir choisi ce nom ?
Quand j’ai commencé à faire de la musique, je ne faisais que de la house, du disco, de la funk, ou des trucs dans le genre. C’est vraiment ça que j’adorais au début. Ce n’est qu’après, petit à petit, que je me suis mis à écouter de la techno. Quand je m’y suis vraiment mis et que j’ai créé mon compte Instagram, je savais que j’allais devoir prendre un nom. Avant ça, je n’avais pas de pseudo, parce que je ne mixais pas vraiment. Je voulais un nom qui retranscrive à la fois mon côté house et mon côté techno. Mon nom de famille c’est Madelaine, mes potes m’appellent « Mad » d’ailleurs, du coup j’ai pris MaddaM. Ce que j’aime bien, c’est que ça se lit dans les deux sens, c’est un palindrome. Je voulais qu’il y ait un peu les deux aspects de ma personnalité en un mot, là c’est le cas : tu as « Mad », le côté techno et « daM », le côté house.

Est-ce que tu as commencé la musique par l’electro/techno ou est-ce que tes premiers pas dans la musique se sont fait par une autre porte, un autre style, ou d’autres instruments ?
Je n’ai jamais pratiqué d’instruments ! Forcément, avec les productions, j’ai dû me mettre un petit peu au piano, connaître les accords, et un minimum de choses pour créer de la musique. D’ailleurs, j’ai acquis ces notions en autodidacte. Je n’ai pas du tout suivi de cours de solfège. En fait, ça fait trois ans que je fais de la production et j’ai regardé beaucoup de tutos sur YouTube. Il y en a énormément d’ailleurs, et en particulier pour faire de la techno. Au fur et à mesure, je commençais à être de plus en plus à l’aise sur le logiciel, mais aussi pour concevoir mes mélodies, etc. Quand j’ai commencé, c’est juste que j’adorais vraiment trouver des pépites, des sons très peu connus et les écouter à fond. J’adore avoir une playlist hyper riche avec plusieurs styles. J’écoutais de l’electro, comme du Skrillex ou des choses que tout le monde écoutait, mais généralement, j’essayais vraiment de dénicher des sons qui étaient très peu connus. C’est un truc que je retrouve aujourd’hui dans la techno, parce que si tu ne veux pas faire de la techno comme tout le monde, tu es obligé de « digger » (NDLA : creuser, fouiller) sur Soundcloud et Spotify pour vraiment trouver des sons inédits, et impressionner ton public.

Cela fait trois ans que tu as commencé à produire, mais je sais aussi que tu fais de la musique depuis cinq ans. Du coup, tu faisais quoi les deux années avant de commencer la production ?
J’étais DJ ! J’ai commencé à faire ça il y a cinq ou six ans à peu près. À l’époque, j’étais DJ résident de l’association Foolish Festival. C’est ce qui m’a permis de faire mes premières soirées. Je mixais dans des appartements, dans des caves, dans des bars, des trucs un peu underground, à Lille ou bien dans des petits événements privés. Au fur et à mesure, j’ai commencé à lancer mon projet, parce que je me disais qu’il y avait quelque chose à faire et je trouvais que j’étais assez bon là-dedans. J’arrivais à faire danser mon public, donc j’étais vraiment content ! Après deux, trois ans à mixer sans savoir produire, je me suis motivé, car c’est indispensable pour moi, si tu veux aller loin dans la musique, de produire tes propres morceaux. Il y a beaucoup de DJ qui commencent, mais qui ne produisent pas leur propre musique et du coup, tu as du mal à percevoir leur identité. Le fait de produire tes propres sons aide les gens à voir ce que tu fais, ce que tu vaux réellement, donc c’est beaucoup plus intéressant en termes de processus créatif. On ne s’en rend pas compte, mais l’aspect DJ et l’aspect production n’ont vraiment rien à voir techniquement. Produire, c’est vraiment un autre travail qui demande beaucoup plus de temps, d’énergie et de créativité surtout, parce que c’est créer des sons qui te sont propres. Mixer, c’est des musiques qui existent déjà, que l’on assemble pour faire un set d’une heure. Donc, dans un mix, je peux intégrer aussi mes musiques et c’est ce que je fais aujourd’hui d’ailleurs !

Tu décris ton style comme « Melodic Techno / Hardhouse », est-ce que tu peux expliquer un peu plus en détail en quoi ça consiste musicalement cette branche de la techno ?
C’est de la hard techno mélangée à de la hard house. Mon projet de base, c’était vraiment de faire de la techno avec des touches de house, c’est-à-dire des mélodies qui rappellent un peu la house, là d’où je viens finalement. Aujourd’hui, la techno devient de plus en plus « violente », c’est ça qui marche le mieux et c’est ça aussi que j’apprécie de plus en plus. Elle devient plus rapide et plus brute. J’aime beaucoup cet aspect-là et du coup, j’essaie d’avoir une direction artistique qui se rapproche un peu de ce qui est fait aujourd’hui, tout en gardant des touches de house qui me caractérisent, et qui sont vraiment ma patte artistique. Tout réside dans l’équilibre, il faut vraiment trouver les bons remixes. Tu peux bombarder en hard techno pendant deux heures si tu veux, c’est possible. Mais je trouve ça beaucoup plus intéressant de casser un petit peu cette énergie, en passant des remixes un peu différents, parce que ça ramène le public autre part. Comme un artiste en concert qui varie entre ces titres. C’est hyper bien de mixer des influences et des styles différents, de jouer des sons que les gens ne s’attendent pas à entendre.

« J’ai jamais écouté de techno avant et pourtant, j’aime bien ce que tu fais »

La techno c’est pas toujours accessible… Tes titres à toi ont un fond “groovy”, ils sont dansants et mélodiques – est-ce que tu penses que c’est justement leur dimension house qui les rend accessibles ?
Je pense que ça joue beaucoup oui. Il y a même des amis à moi qui n’écoutent que du rap et qui ont apprécié mon EP dès qu’ils l’ont écouté, parce que c’est hyper accessible justement. Il y a par exemple une de mes tracks appelée «Techno Country Club», où j’ai juste travaillé avec un sample d’une guitare très sèche. C’est un style d’instrument qu’on entend très peu dans la techno. Je l’ai mis vraiment brut avec un kick, des cymbales et des percussions. Après, c’est beaucoup travaillé, mais c’est une production qui reste assez brute quand même. Ça a plu à des gens qui n’écoutent pas de techno de base, parce que c’est très dansant. Et c’est ce que j’aime bien véhiculer dans mes productions : faire des choses qui ont une base techno, mais qui restent quand même très dansantes, pour montrer que c’est tout à fait possible d’écouter de la musique rapide avec une base techno, et que ça reste pourtant joyeux.

Décris-moi l’effet que la techno a sur toi et ce que tu veux transmettre grâce à ta musique.
Je dirais que quand je vais en tant que spectateur dans un événement techno, ce que j’aime beaucoup, c’est vraiment l’énergie. Je sens beaucoup l’énergie du public en fait. En général, quand tu vas dans une soirée techno, tu as un public qui est, de mon point de vue, assez respectueux. Chacun est un peu dans sa bulle, mais tout le monde est ensemble quand même. Moi, ce que j’aime beaucoup quand j’écoute de la techno, quand je vais en club ou en festival, c’est cette énergie très spéciale qui est issue, selon moi, de l’énergie des raves où il n’y a pas de jugement, et où tout le monde est concentré sur soi et ce que lui procure personnellement la musique. Ça impacte ce que je fais quand je mixe, car ce que j’essaie de faire, c’est de transmettre mon énergie. C’est-à-dire que j’aime beaucoup danser, être souriant. C’est un retour qu’on me fait souvent, en plus, les gens le remarquent. Je trouve ça hyper intéressant de pouvoir montrer que j’aime ce que je suis en train de faire, parce que parfois ça donne envie à des personnes de découvrir mon taff plus en profondeur. Sur l’aspect musical, j’aime surtout transmettre ce que moi j’aime, faire écouter des musiques et des artistes que le public ne connaît pas forcément, faire aussi découvrir la techno. J’ai commencé par la house et du coup, dans mes sets, ça se ressent beaucoup. J’essaie toujours d’avoir cette touche un peu plus dansante et mélodique. Un des meilleurs retours que l’on puisse me faire, c’est quand on me dit : « J’ai jamais écouté de techno avant et pourtant, j’aime bien ce que tu fais ».

C’est vrai que quand tu te produis en live, tu mets vraiment toute ton énergie pour communier avec le public, mais dis-nous tout : le port du tablier pendant tes sets, ça vient d’où ?
Le tablier, ça vient d’une histoire qui date (rire). Avant, je travaillais chez Michel-Augustin et je portais un tablier. J’ai joué au jeu qui s’appelle « Pour Combien ? » (NDLR : jeu de défis) et j’ai perdu un défi en gros… J’ai donc dû mixer à la Fête de la Musique, il y a quatre ou cinq ans environ, avec mon tablier Michel-Augustin. C’était un événement dans un appartement, je m’en souviens. Mon anniversaire est arrivé un ou deux mois après, et en guise de clin d’œil, mes potes m’ont offert un tablier MaddaM. C’est marrant parce que le tablier, beaucoup de gens m’en parlent et sont contents quand je le porte. Maintenant, c’est même devenu une sorte d’objet « marketing », puisque les gens me reconnaissent de par ce tablier. C’est un peu une référence. Je me suis aussi fait la réflexion que, parfois il y a peut-être des gens qui sont timides ou introvertis, lors de ce genre d’événements. J’aime l’idée de transmettre le message « Sois toi-même ». C’est-à-dire que si moi je mixe de la techno en tablier, tu peux très bien venir habillé comme tu en as envie et on s’en fout en fait ! On vient profiter du show et de la musique. Je me suis rendu compte que ça transmet aussi un symbole de liberté.

Quelles sont tes inspirations pour composer tes morceaux ? Je parle d’inspirations au sens large du terme, pas que inspirations musicales.
Lorsque je produis, c’est le mood dans lequel je vais être au moment où je crée ma musique qui ça va définir le style. C’est-à-dire qu’il y a des moments où je suis super joyeux et content, je vais donc faire des musiques avec des synthés qui sont eux aussi hyper joyeux et dansants. Et il y a des moments où j’ai un petit coup de mou, j’ai moins d’inspiration ou bien il y a un truc dans ma vie qui ne va pas bien et là, je vais produire de la techno qui sera plus brute. Ce ne sera pas forcément triste, mais plutôt mélancolique. En fait, je pense que le mood dans lequel tu es quand tu crées ta musique joue énormément sur ce que tu vas faire.

Tout le monde n’est pas sensible à la techno et à la musique électronique, lequel de tes titres tu conseillerais à quelqu’un qui n’a jamais écouté de techno/electro ou qui n’en écoute que très peu, et qui souhaite te découvrir ?
La track que je conseillerais d’écouter pour découvrir mon travail, c’est vraiment «Techno Country Club». C’est une track hyper accessible : même ceux qui n’aiment pas la techno, je pense qu’ils peuvent aimer et carrément danser dessus. Elle m’a fait un peu sortir de mes bases très hard techno, très bruts, très sombres. Et sinon, j’ai beaucoup de tracks qui sont des remixes de musiques qui sont déjà connues. J’ai une track que l’on m’a beaucoup demandée et que j’avais jouée à la Fête de la Musique, sur la Grand Place (NDLR : à Lille). D’ailleurs, quand j’ai préparé la Fête de la Musique, je me suis énormément questionné sur le set que j’allais faire : « Est-ce que je dois faire de la techno ? Parce que les gens ne vont pas forcément être réceptifs à ça, surtout à la Grand Place où le public est hyper large.». Finalement, je suis passé assez tard et mes amis d’avant ont fait de la bass house et de la house. C’était très différent de la techno, et moi je suis arrivé avec une techno très rapide, mais avec beaucoup de remixes de musiques que les gens connaissaient. Et au final, ça a super bien marché. Je ne m’attendais pas du tout à ça. Cette fameuse track, c’est un remix de «Evacuate the Dancefloor» de Cascada, qui s’appelle « Evacuate the Dancefloor – Resonance Schranz Edit ». Je pense qu’elle est parfaite pour commencer à écouter de la techno. Tu ne l’entends jamais Cascada en club techno d’ailleurs (rire) !